MOUVEMENT DE POINSOT |
Ce cours de mécanique
classique est la base de tout contrôle d'attitude d'un satellite. Sa connaissance
et les notions qui en dérivent sont indispensables à toute étude de SCAO, ou du
moins de contrôle d'attitude(CA) ou de centrale inertielle..
I DEFINITION :
Nous nous intéressons ici
au mouvement autour du centre d'inertie d'un satellite ou d'une station
spatiale, en orbite autour d'un astre. Nous savons que l'altitude d'orbitation
est au dessus de 200 km, pour éviter le frottement atmosphérique, donc la seule
force importante est la gravitation.
Nous pouvons donc admettre
avec une excellente approximation que :
1 - Cette force passe
toujours par le centre d'inertie G du satellite ( ce qui n'est vrai que si la
matrice d'inertie du satellite est sphérique, voir
gradient de gravité ).
2 - Les forces
perturbatrices sont faibles et ont un moment en G négligeable ( nous verrons
plus loin les problèmes qui se posent lorsque leur action se prolonge dans le
temps)
3°) Notations :
S désigne le satellite, Ra la
base inertielle I J K, R le repère i j k ou x1x2x3 lié
à S, G le centre d'inertie.
Le vecteur rotation absolu, traduit en axes relatifs du repère R
|
|
La matrice centrale d'inertie du satellite dans les axes de R |
|
Le moment MG calculé en G de l'ensemble des actions
extérieures |
2°) Définition
du mouvement de POINSOT :
On dira que dans
un repère inertiel, un solide S est animé d'un mouvement de POINSOT lorsque le
moment calculé en son centre d'inertie G des forces extérieure s'exerçant sur
lui est constamment nul.
Ce solide peut
être soumis à une résultante des forces extérieures non nulle. C'est elle qui
assurera le mouvement du centre d'inertie.
3°) Exemples :
Tout
satellite d'un astre
Toute
planète ( considérée comme un solide )
Tout
corps en chute libre à vitesse faible ( permettant d'oublier les forces
aérodynamiques ).
II EQUATIONS
D'EVOLUTION :
Nous nous intéressons tout
particulièrement au mouvement autour du centre d'inertie, et donc
essentiellement à la rotation instantanée. Nos inconnues sont donc p, q, r.
La mécanique générale et le
théorème du moment cinétique, appliqué au satellite, en son centre d'inertie
et projeté sur les axes
mobiles du repère R lié au satellite, donnent le système d'équations (I):
Les conditions initiales sont évidemment : |
III INTERPRETATION DU
MOUVEMENT :
Vous trouverez dans tous les
ouvrages de mécanique classique, le traitement du cas général, au demeurant
assez complexe.
1°) CONSERVATION DU
MOMENT CINETIQUE
:
Le théorème du moment
cinétique montre naturellement qu'en présence d'un moment nul, le moment
cinétique du satellite se conserve indéfiniment dans un repère inertiel.
Nous pouvons donc en
déduire une intégrale première du mouvement, la conservation de la norme du
moment cinétique ou de son carré :
REM0ARQUE :
Même si le résultat peut
paraître prématurée, il faut l'annoncer, car il est fondamental : La
conservation du moment cinétique du solide se traduit par cette propriété
géométrique : LE VECTEUR MOMENT CINETIQUE POINTE
INDEFINIMENT LA MÊME DIRECTION ( MÊME ETOILE).
Ainsi, même si
technologiquement c'est difficile à réaliser, pour les besoins d'une navigation
spatiale si l'on veut savoir comment est orienté un véhicule dans l'espace, il
suffit d'emporter 3 solides, chacun lancé "à la Poinsot", suivant 3
directions si possible orthogonales, on MEMORISE donc
mécaniquement un repère de directions galiléennes.
Nous touchons donc là à un
des fondements de la navigation inertielle, nous aurons
l'occasion d'y revenir plus tard.
3°) CONSERVATION DE
L'ENERGIE CINETIQUE DE ROTATION :
Si nous multiplions chacune
des équations du système (I) respectivement par p, q, r et si nous sommons
membre à membre ces 3 équations, nous obtenons :
Ce qui n'est autre que le
double de l'énergie de rotation autour du centre d'inertie
Exemple de conséquences :
Notre bonne terre, possède
avec une excellente approximation, un mouvement de Poinsot et voit donc son
moment cinétique pointer toujours la même étoile ( étoile polaire) et garder
son énergie de rotation , ce qui nous vaut une durée du jour solaire moyen bien
régulière de 24 h ou une période sidérale constante de 86164 s.
4°) CAS PARTICULIER
D'UNE IMPORTANCE CAPITALE :
Nous traitons le cas particulier
où à l'instant initial le vecteur rotation instantanée est porté par l'un des
axes principaux d'inertie. Par exemple par l'axe n° 3. Ainsi nous avons p(0) =
q(0) = 0, r(0) = W.
a) Le mouvement :
Les mathématiques nous
apprennent que ce genre de système différentiel, ne possède qu'une seule
solution répondant aux conditions initiales. En mécanique il n'y a qu'un seul
mouvement possible.
Or si nous adoptons les
fonctions p(t) = q(t) = O et r(t) = W,
elles satisfont parfaitement au système (I) et aux C I .
Solution cherchée : |
P(t) = q(t) = 0, r(t) = W |
La conservation, en repère
inertiel, du moment cinétique donne :
L'axe portant la rotation initiale
reste fixe dans un repère inertiel. La rotation axiale se conserve donc.
CONCLUSION 1:
Si la rotation
initiale d'un solide à la Poinsot est portée par l'un des axes principaux
d'inertie, alors cet AXE RESTE FIXE EN REPERE INERTIEL et la ROTATION SE
CONSERVE.
NB 1 : Nous avons ainsi,
une meilleure façon de pointer une étoile. Il suffit de lancer en rotation un
solide de révolution autour de son axe de révolution. Cet axe restera fixe par
rapport aux étoiles.
EXEMPLES : Ils sont nombreux :
- Mise en rotation des obus
ou des balles pour stabiliser l'orientation
- Mise en spin des
satellites, lors d'une phase de lancement, afin de le placer dans une attitude
et direction 0connues, permettant de le prendre en main dans une configuration
que l'on maîtrise.
- Chapeau meurtrier de
James Bond
- Mise en rotation d'un
anneau au jeu de l'anneau et de la bouteille
- Les planètes et leurs
anneaux éventuels
- Lancer du disque,
freesbies
- Gyroscopes etc....
b) Le mouvement est-il
stable ?
C'est évidemment une question
importante, car à quoi servirait une mise en rotation et un pointage réussi, si
la moindre perturbation détruisait ce mouvement.
Utilisons la technique des
petits mouvements commençants, ce qui veut dire que nous supposons qu'au départ
la rotation n'est pas exactement sur l'axe n°3, ou encore :
Comme nous avons affaire à
des solutions dérivables, elles sont donc continues et pendant un "certain
temps" vont rester continues ( ne m'obligez pas à manipuler les e et h ce qui
n'apporterait rien de plus), p(t) et q(t) resteront donc petites et r voisine
de W, permettant de linéariser le
système qui devient :
Après élimination de l'une
ou l'autre des variables il vient :
Ces deux équations ne
donneront une stabilité que si les solutions sont sinusoïdales, ce qui ne peut
arriver que si le moment d'inertie I3 est ou le plus grand ou le
plus petit des 3 moments d'inerties.
CONCLUSION 1:
Le mouvement de
rotation autour d'un des axes principaux d'inertie, ne conduira à un pointage
stable que si ce moment d'inertie est ou le plus grand ou le plus petit des
moments d'inertie.
NB : Une étude plus poussée montre
(voir plus loin) qu'en présence d'une dissipation interne d'énergie (
amortissement visqueux, ballottements de liquides, ....) seule la rotation
autour du grand axe d'inertie est stable.
EXEMPLES :
- La terre est en mouvement
stable, grâce au renflement équatorial qui profite au moment d'inertie axial.
- Le disque du lanceur de
disque, le chapeau de James Bond,...sont presque plats et donc l'inertie axiale
est la plus grande.
- En somme il vaut mieux
faire tourner un disque qu'un crayon.
IV CAS PARTICULIER
DES SOLIDES INERTIELLEMENT ASSIMILABLES A UN CYLINDRE :
Nous nous intéressons plus
spécialement aux solides ayant 2 moments d'inertie égaux. Nous supposerons donc
que ce sont I1 = I2 ., le solide se comporte donc comme
un cylindre homogène d'axe k.
Il se trouve que dans ce
cas là, au demeurant communément rencontré, la résolution peut être menée à son
terme, ce qui nous amène à la faire ( la méthode n'est d'ailleurs pas unique).
La figure ci dessous
illustre le propos. Elle correspond au cas d'un cylindre plus proche du disque
que du "crayon, I1 = I2 < I3.
1°) Notations et
définitions:
Pour éviter les indices et
sacrifier à l'habitude, nous posons I1 = I2 = A et I3
= C.
a) Le vecteur rotation est
décomposé en 2 parties, la rotation axiale r et la rotation transversale w.
b) La nutation :
Le mot nutation recouvre 2
notions :
Un
angle, l'angle q entre l'axe satellite k et le
moment cinétique.
Le
mouvement de l'axe k du satellite, que nous décrivons plus loin.
La figure montre l'angle de nutation q
2°) Les intégrales
premières du mouvement :
Nous traduisons la
conservation du moment cinétique et de l'énergie de rotation du solide en axes
inertiels.
Le moment cinétique s'écrit
alors:
Son module est H , ou mieux
son carré se conserve, valant :
qui est une intégrale
première du mouvement
L'énergie cinétique ou
mieux son double qui est également une constante du mouvement vaut :
c'est une autre intégrale
première du mouvement.
3°) INTERPRETATION DU
MOUVEMENT :
Géométriquement le lecteur
se convaincra que les vecteurs, moment cinétique, rotation absolue, rotation
axiale, axe n°3 de coordonnées, sont coplanaires.
Les équations (1) et (2)
donnent puisque A et C sont des constantes:
" DANS UN
MOUVEMENT DE POINSOT LA NORME DE LA ROTATION TRANSVERSALE ET LA NORME
DE LA ROTATION AXIALE SE CONSERVENT"
Attention, nous avons bien
dit les normes et non les vecteurs concernés( rotation axiale et transversale).
Nous savons que le moment
cinétique H reste fixe en repère inertiel. Intéressons nous maintenant à la
nutation, angle ou mouvement.
La figure montre l'angle de
nutation q, et la formule suivante son
expression :
"L'ANGLE DE
NUTATION q RESTE CONSTANT DANS LE
TEMPS ET L'AXE k DU SATELLITE DECRIT UN CONE FIXE,DE DEMI-OUVERTURE q constante ET D'AXE LE
MOMENT CINETIQUE fixe dans l'espace inertiel". C'est la notion de RAIDEUR
GYROSCOPIQUE
NB : Ainsi si à l'instant
initial t = 0, la rotation initiale est portée par l'axe principal d'inertie k,
la rotation transversale initiale wo est
nulle entraînant q = 0 durant tout le mouvement et
donc un pointage parfait. La stabilité apparaît aussi de manière évidente,
puisque si wo est voisine de 0, alors l'angle q reste petit et le dépointage de l'axe satellite
reste faible.
APPLICATIONS PRATIQUES :
Lors
d'une mise en orbite, le dernier étage du lanceur "injecte" la charge
utile dans l'espace. Le propriétaire du satellite est alors chargé de la mise
en œuvre opérationnelle du satellite. Il demande donc à ce que lesatellite soit
dans une configuration stable, lui permettant de le "prendre en main"
aisément. Cette requête est satisfaite par la mise en spin de la charge
utile, dès la séparation d'avec le dernier étage.
Cette
mise en spin du satellite est aussi utilisée dans certains modes de survie d'un
satellite, lorsqu'un problème sérieux intervient à bord, que les ingénieurs au
sol ne peuvent pas résoudre sur le champ. Le spin présente, outre l'avantage
d'une orientation connue, d'éviter par une rotation axiale continue, dite MODE
BARBECUE, de réduire en le moyennant l'échauffement du aux rayons solaires.
Il
arrive quelquefois, de plus en plus rarement, que soit utilisée dans une phase
propulsée, une phase balistique intermédiaire où seule la gravitation est en
jeu. On stabilise alors le satellite en le "spinnant".
En
gyroscopie, dans les appareillages sophistiqués que sont les centrales
inertielles, les centrales gyroscopiques, les gyromètres, les systèmes de visée
sur véhicules rapides, ....le pointage parfait est une nécessité. Comme la
présence d'une rotation transversale et de déséquilibres la provoquant est
inéluctable, le seul moyen de limiter le dépointage est la mise en rotation
ultra rapide à la limite de la tenue des matériaux.
EXEMPLE : Pour un disque plat, avec une
rotation transversale est de l'ordre de 6°/mn, et un spin de seulement 2
tours/mn, l'angle de nutation est de l'ordre de 0°.25, autant dire
imperceptible.
CALCUL DE LA PERIODE DE NUTATION :
Nous avons montré que l'axe du
satellite décrivait un cône. Une réflexion simple montre que des 2 composantes
de la rotation, c'est la rotation transversale w qui est responsable du mouvement conique et donc du dépointage de
nutation. En gyroscopie w est l'ennemi numéro 1.
Le croquis ci-contre montre
:
- Le point P extrémité du
vecteur unitaire k de l'axe satellite.
- Le vecteur rotation
transversale w responsable du mouvement conique.
- Le cône décrit par P
- La vitesse Va(P) créée
par la rotation transversale.
Le lecteur curieux
utilisera ses connaissances sur le mouvement circulaire, appliquées à P pour
montrer que la période du mouvement de nutation de P sur le cône vaut :
REMARQUE :
Lorsque l'angle q de nutation est petit, notamment en pointage
satellite ou en gyroscopie, sinq, q, tgq peuvent être
confondus ce qui donne une période
l
s'appelle l'ALLONGEMENT INERTIEL.
VI CAS PARTICULIER DES SATELLITES INERTIELLEMENT
ASSIMILABLES A UN CYLINDRE ET COMPORTANT DES DISSIPATIONS INTERNES :
La présence de réservoirs
d'ergols, de fluides visqueux, dans un satellite, crée par viscosité ou
ballottements une dissipation interne d'énergie.
Bien que la théorie ne
relève pas exactement du mouvement de Poinsot, puisque nous n'avons plus à
faire à un vrai solide, nous pouvons garder toutes les notations précédentes et
aborder le problème en revenant aux sources mêmes.
HYPOTHESES : Moment extérieur nul, ensemble de
révolution inertielle et dissipation uniquement interne d'énergie.
THEORIE :
(Résultat 1) Le moment
cinétique se conserve en espace absolu et notamment son carré H².
(Résultat 2) L'énergie
cinétique décroît dans le temps.
Nous exprimons donc q et ces 2 quantités en fonction des notations de
Poinsot.
La traduction de T2 conduit
par dérivation à :
REMARQUES :
CAS N°1 : C'est le cas d'un solide plus
près du disque que du "crayon", où une dissipation d'énergie interne
a un effet stabilisant, permettant de réduire la nutation. L'axe du solide tend
vers un pointage inertiel fixe sans précession. Le CONTROLE DE NUTATION
peut être PASSIF, soit à l'aide d'une viscosité volontaire interne ou de
magnétocoupleurs en interaction avec le champ magnétique terrestre.
CAS
N°2 : C'est le cas
d'un solide plus près du "crayon" que du disque, où une dissipation
d'énergie interne a un effet déstabilisant augmentant la nutation jusqu'à 90°n,
c'est le phénomène de FLAT-SPIN. Le maintien de q = 0° nécessite donc un CONTROLE ACTIF DE
NUTATION
VII COMPLEMENT
DESTINE AUX ENSEIGNANTS DE MECANIQUE QUI UTILISENT MATLAB et SIMULINK :
Vous trouverez dans ce chapitre
de quoi aiguiser votre curiosité, avec l'application des quaternions à la
simulation du mouvement de Poinsot.
Les quaternions sont
particulièrement utiles lors de toute étude où le vecteur rotation est capital
et surtout lorsque l'orientation du mobile étudié peut être quelconque. Il est
clair que pour le mouvement de Poinsot, une telle étude ne s'impose pas, par
contre elle montre une mise en œuvre simple des quaternions.
Programmes récupérables dans le téléchargement Programmes_Matlab_poinsot.zip
Poin_dat.m |
Fichier de données et d'initialisation, à exécuter en début de simulation |
POINSOT.M |
Programme de base du système différentiel donnant conjointement la rotation (p q r) et le quaternion d'attitude |
Poin_sim.m |
Simulation sous Simulink,
avec mise en mémoire et sorties graphiques des résultats Notamment p, q puis solution = (W, Q) à 7 composantes, 3 pour la rotation, 4 pour le quaternion |
Les résultats montrent bien
que dans les axes ( p, q ) le diagramme est un cercle prouvant l'échange sans
pertes de p et q. Les autres scopes montrent que p(t), q(t) sont des fonctions
sinusoïdales. La rotation axiale reste constante dans le temps etc...
Le graphe ci contre
montre la trajectoire de l'extrémité du vecteur unitaire z axe du gyro, en
projection sur le plan XY. Ce cas correspond aux
données : % Inerties satellite en
kg-m² :% Ir=132; % It=132; % Il=7; % Initialisation en
vitesses angulaires absolues (rd/s) :v_roulis0=0; v_tangage0=0.2;
v_lacet0=pi/2; % Initialisation en position (rd) : roulis0=0; tangage0=0.3; lacet0=0; |
Nb : Si on ne donne aucune vitesse angulaire, la trajectoire
est un point, montrant que l'axe z reste fixe dans le repère absolu ( ce qui
est l'application principale de ce mouvement).
GUIZIOU Robert dernière correction mai 2011, sept 2011